la symphonie des éclairs | ft. lauren

Les grilles ouvragées des jardins italiens se dressent dans l’ombre du crépuscule touchant à sa fin, imposantes et belles, prémices de ce qui se dissimulait derrière. La silhouette de Feargus s’en détache. Oiseau de nuit de par son métier, il ne peut s’y aventurer au calme qu’une fois éveillé, le rythme cassé par le musée. Il s’en contente pourtant, bien trop heureux de pouvoir partager ce qui lui reste d’existence avec les visiteurs tardifs et les œuvres d’art, au calme mais l’esprit toujours en ébullition des connaissances qu’il emmagasine.
Ce soir, pour autant, on lui accorde un peu de répit, qu’il n’a pas forcément souhaité mais qu’il prend comme un cadeau, l’occasion de renouer avec des paysages qu’il ne prend plus assez l’habitude de visiter, trop occupé par une vie peut-être trop remplie par un homme qui se devrait de toucher du bout des doigts une retraite bien méritée.

Il n’entre pas encore, cependant, perdu dans la contemplation de l’objet qu’il tient entre ses mains, téléphone dont il ne sait vraiment se servir mais qui lui est bien utile lorsqu’il cherche à communiquer avec d’autres que des statues d’exposition immobiles ou des peintures aux couleurs passées dont l’histoire le ravit. Il doit s’y reprendre à quatre fois, pour trouver le nom souhaité, son pouce n’étant pas si imposant mais l’appareil trop sensible, à son humble avis. Il l’a prévenue en amont, l’avocate au quotidien rempli presque plus que le sien, pour espérer partager avec elle ce semblant de paix, mais il faut bien qu’il lui rappelle, comme le font les jeunes accrochés à leurs outils, alors qu’il aurait fait plus rapidement d’attendre en silence, saluant d’un sourire les passages des êtres qui rentraient d’un pas pressé ou qui flânaient, heureux de ne plus avoir à travailler.

“Je suis là.” Qu’il dit, avare de mots -caractéristique en-dehors du personnage, pour cell.eux qui le fréquentent- , une fois l’autre appareil décroché, de l’autre côté. C’est qu’il n’est pas vraiment  à l’aise, Feargus, quand il ne voit pas son interlocuteur, et qu’il doit, de ce fait, se contenter d’une voix, pas toujours ressemblante à celle qu’il connaît bien. Facilement perturbé, on peut le dire, quand on le sort de son système, il aime ça, mais pas pour tout. C’était mieux avant, qu’il dirait, comme n’importe qui ayant passé l’âge des quarante ans.

Par chance, Lauren ne se fit pas vraiment attendre. Il la connaît assez pour savoir qu’elle a dû sentir qu’il en avait besoin, et elle était assez empathique pour ne pas le laisser vagabonder seul avec son propre esprit. Si ça pouvait lui éviter des pans de son esprit où il n’avait pas envie de se rendre, ça l’arrangeait tout de même mieux. “Je suis content que tu sois venue !” Le ton enjoué qui collait seulement vaguement aux messages partagés plus tôt et à l’urgence qu’il avait bien voulu y mettre, il la salua tout de même, un grand sourire aux lèvres. Feargus serait mort avant d’avoir oublié comment faire la conversation anodine, tourner autour du pot était son dada, et ça le pouvait, tant qu’il trouvait de l’intérêt aux questions qu’il posait. “Tu es déjà venue ici ? Mon fils adore cet endroit.” Le présent comme temps assumé, il n’est pas encore l’heure pour lui de modifier ses phrases. Ce n’était, de toute manière, pas le sujet du jour.

Le partage doux du passé émeut brièvement Feargus. Pour lui, faire montre de savoir-vivre partait aussi de l’idée qu’il ne fallait pas se précipiter dans une conversation qui pouvait paraître préoccupante. La mention de leurs pertes respectives, cependant, fut suffisant pour dessiner un sourire lointain sur son visage, quand son regard se perdit, non pas dans les fourrés que l’on pouvait apercevoir au creux des ombres, mais sur les souvenirs dont il pouvait avoir quelques flashs. Il acquiesce, cependant, le fantôme de son fils presque palpable dans l’allée qu’iels n’allaient pas tarder à parcourir. D’un geste, le gardien l’invita à passer la grille, qu’il ouvrit d’un geste. Pas de prestidigitation, malgré ce que l’on pourrait croire, l’endroit n’était seulement jamais fermé à clé. Il aurait pu donner un coup de hanche pour le style, s’il n’avait pas peur de se la bloquer dans l’effet.