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Let me ask you a question | Emily

2 participants
Feargus Grant
administrateur·ice

Feargus Grant

saisons : 64 ans passés sous le soleil.
occupation : Gardien de nuit au Rotunda Museum.
myocarde : Veuf. Le cancer a emporté la seule femme qu'il n'ait jamais aimé, depuis ses dix-sept ans jusqu'à ses cinquante-trois.
miroir : Let me ask you a question | Emily E96d55c4d1262b51472173a91e6ee12cd74a9722
faciès & artiste : Peter Capaldi - CORVIDAE
victimes : 184


Let me ask you a question

❝ ❞
She asked me, "Son, when I grow old will you buy me a house of gold? And when your father turns to stone will you take care of me?"


L’effervescence de la vie nocturne avait une saveur particulière pour Feargus. Surtout lorsqu’il s’agissait d’errer entre les étals d’un marché crépusculaire. Les lumières douces des guirlandes éclairantes s’étaient allumées au fur et à mesure, éclaircissant le sourire des marchands. Tous étaient sortis de leurs magasins, offrant aux badauds leurs marchandises d’ordinaires bien rangées dans leurs boutiques. Il les connaissait pratiquement tous, le gardien, à force d’écumer les soirées comme celles-ci, mais aussi parce qu’il pouvait en reconnaître certains qui n’hésitaient aucunement à lui retourner la faveur en participant régulièrement aux nuits du Rotunda. C’est tout naturellement, donc, qu’on le voyait entamer la discussion à droite et à gauche, partageant avec enthousiasme l’entrain qui le caractérisait. Il avait, en plus, apporté avec lui un thermos de Earl Grey et quelques gobelets en carton, pour les partager à ceux qui le désiraient. C’est qu’il était conscient, de son côté, de l’effort que demandait une nuit presque complète sans sourciller et sans le luxe de pouvoir réellement se reposer. Il y en avait, du monde, à rechercher les pépites au fond d’un carton d’objets délaissés. Après tout, c’était là-dedans qu’il avait tendance à chercher en premier, lui aussi.

La rue contrastait avec l’ambiance calme et déserte que l’on retrouvait, à la même heure, le reste de l’année. L’été avait cette faculté d’amener avec lui l’activité, et le fait que la station balnéaire accueille encore quelques touristes était un délice. Si la foule pressée des jours travaillés ne lui plaisait pas, celle-ci le ravissait, en un sens. Il y avait dans les personnes présentes la même allure, le même objectif, et c’était quelque chose que Feargus trouvait, au demeurant, charmant. Il s’arrêta devant le stand d’un brocanteur qui possédait une moustache qu’il aurait aisément pu lui envier. “Bonsoir ! Un peu de thé ?” Feargus aurait de quoi susciter le doute. Il était toujours trop. Trop gentil, trop aimable, trop enjoué, trop vocal. L’accent écossais roulant dans sa gorge, il pouvait ressembler à ces ovnis qu’on ne rencontrait que peu de fois dans une vie - et sans doute bien heureusement pour la sainteté d’esprit. Pour autant, les cernes pointant sous les yeux du moustachu parlaient pour lui, et il accepta avec un remerciement.  Bien lui fasse. Le gobelet fumant se retrouva vite entre ses doigts. Il faut dire qu’il essayait de vider son thermos le plus vite possible, pour éviter que le contenu ne devienne trop fade et plus tellement réparateur pour ceux qui pouvaient en profiter. Il arrivait, d’ailleurs, déjà bientôt à son terme.

Un regard parcourant avec curiosité les objets disposés, Feargus sentit ses yeux pétiller. Ici, pas de lampes aux allures passées, d’appareils électriques qu’on aurait évité de brancher par peur de faire sauter tous les plombs ou d’art dont l’idée de l’artiste pouvait paraître nébuleuse - non pas qu’il n’aimait pas ça, chacun des items cités étaient, de loin, ses préférés à trouver - mais des piles et des piles de jeux de société. Le vieux bougre aimait ça, les jeux de société, parce qu’il fallait, par définition, y jouer à plusieurs. Et il n’y avait rien de mieux, dans son esprit, qu’aller forcer Charlotte ou Tristan à jouer à autre chose qu’aux parties de cartes. Il les gagnait toutes de toute manière - c’était faux, mais la mémoire ne se faisait plus toute jeune, la sélective surtout.
Il y avait là tout ce que pouvait rêver un joueur né, des jeux à l’allure récente - et aux règles incompréhensibles, allez savoir ce qu’était l’Exploding kittens, il n’était pas sûr de vouloir en connaître les tenants et les aboutissants - mais aussi des plus anciens, relégués sur une pile un peu à l’écart, la peur de les retrouver abîmés par les quelques enfants dépassant leur couvre-feu se faisant sûrement sentir.

C’est là qu’il le vit, le Genus I, le Trivial Pursuit original de 1984. Les yeux agrandis de surprise, les souvenirs affluant, la main avide entama sa course pour venir s’y poser, le toucher, le prendre. C’était sans compter une autre, bien mieux manucurée et plus délicate que les extrémités de la vieille branche, et ce fut non sans embarras qu’il la toucha par mégarde, avant de retirer ses doigts froidis par la fraîcheur nocturne comme s’il avait été brûlé - c’est qu’on ne touchait pas les inconnus, accident ou non, chez Feargus. “Oh je suis désolé !” J’allais prendre le Trivial Pursuit, vous permettez ?” Poli, toujours, le sourire aimable, il espérait juste que la demoiselle ait jeté son dévolu sur le Cluedo qui se trouvait dessous. Parce qu’il avait beau aimer les gens, il aimait d’autant plus obtenir ce qu’il voulait.


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I know the things He gives me, He can take away
- beautiful things

Emily MacBride
aucune suspicion

Emily MacBride

saisons : 24 y.o.
occupation : apprentie avocate
myocarde : célibataire; bisexuelle
miroir : Let me ask you a question | Emily 0glIM7F5_o
faciès & artiste : daria sidorchuk (self)
victimes : 125


Let me ask you a question


Un drôle de mug? * Non. Une lampe rétro?* Non. Un tablier de cuisine explicite?* Hm… non.

Emily n’était pas une habituée des brocantes. Les objets d’occasions lui donnaient une impression de sale, comme s’il restait un film impossible à nettoyer, une odeur persistante, comme quelque chose des anciens propriétaires dont on ne pouvait se débarrasser. Cela dit, on y faisait des économies, et elle en avait plusieurs fois profité du temps où elle avait été étudiante. Mais depuis qu’elle pouvait se le permettre, elle préférait acheter du neuf. Elle avait bien hésité devant un volume de Jean-Paul Sartre, l’Être et le Néant, mais l’avait reposé aussitôt qu’elle l’avait prit en main, s’essuyant machinalement les doigts sur sa manche. Un large miroir avait attiré son attention, devant lequel elle pouvait très bien se voir se préparer tous les matins, mais il était grand et encombrant. Le prendre signifierait ne rien emmener d’autre.

Or, elle tenait absolument à trouver quelque chose pour @Ligia Velasco et @Merle Garland . Tout particulièrement Merle. Elle avait parfaitement conscience d’être une colocataire particulièrement désagréable, entre le temps qu’elle passait dans la salle de bain, le jazz qu’elle mettait si tôt le matin et la porte d’entrée qu’elle laissait ouverte derrière elle dans ses crises de somnambulisme.  Mais à la rigueur, elle pouvait encore s’entendre correctement avec Ligia, avec qui elle se trouvait plus d'atomes crochus. Emily était plus dure envers Merle.  Ses goûts en musique déplorables. Sa manie de marmonne qui le rend incompréhensible. Sa passion ridicule pour les superstitions. Ce matin, une de ses habituelles moqueries semblait avoir touché une corde plus sensible qu’elle ne l’avait souhaité. Se moquer de lui et de ses manies était la seule façon pour elle de pouvoir cohabiter. Mais cette fois, elle avait bien cru voir des larmes perler au coin des yeux de son colocataire. Un éclair d’empathie l’avait traversée. L’envie de se faire pardonner ne l’avait pas quittée de la journée.

Elle avait longtemps questionné ce besoin. Un fantôme de son éducation religieuse? Un commandement tant martelé qu’il s’est inséré entre ses vertèbres et ses côtes? Pouvait-elle, si elle le choisissait, laisser Merle lécher ses blessures sans rien y faire… En soit, oui. Elle aurait moins de mal à se donner.  Elle n’aurait même pas eu à venir à cette brocante.  Ce serait plus simple pour elle… pendant un temps. Elle vivait avec Merle, ce n’était pas comme si elle pouvait aisément l’éviter. Éviter son air triste, son regard fuyant, sa mauvaise humeur… Pourquoi le pardon de Merle lui importait? Parce qu’il lui serait infiniment plus agréable de vivre avec des gens qui ne la détestent pas. Elle l’aurait sans doute mieux vécu s’il avait rit, même de mauvais cœur,  si elle n’avait pas vu ses yeux brillants. Mais elle avait vu. Et préférait que ça s’arrête.

D’où sa présence dans cette brocante. Le mug serait impossible à nettoyer. Elle répugnait à emmener dans leur demeure quelque chose d’aussi laid que cette lampe. Et à bien y réfléchir, elle craignait que ce tablier ne soit en réalité qu’une autre moquerie. Du maquillage ou quelque chose avec des paillettes ferait mieux l’affaire, mais rien à l’horizon.

Emily s’arrête devant un stand à jeux. Elle hésite. Elle se souvient de rares bons moments passés avec sa famille autour de jeux de sociétés. Peut-être était-ce une bonne piste à suivre pour ses colocataires? Son regard parcourt les boîtes usées, puis s’arrête sur un Trivial Poursuite ayant l’air aussi vieux qu’elle. Elle tend la main, chassant du même geste celle d’un autre curieux. Un vieux squelette avec un thermos sous le bras.

Le sens de la politesse qu’on lui a inculqué, le respect de ses aînés qui lui a été asséné toute sa jeunesse, demandent qu’elle jette son dévolu sur un autre jeu. Après tout, elle n’y tient pas à ce Trivial Poursuite. Oui mais voilà, au lieu de le prendre, il lui demande la permission, ouvrant la porte sur un potentiel “non, je ne permet pas” incroyablement malpoli, mais possible. Et maintenant que Dieu n’existe pas, que le péché d’orgueil n’est plus puni, et puisque ses aînés mourront avant elle, pourquoi son vouloir supplanterait-il le sien?

Juste comme ça, son avis est fait. Elle veut voir jusqu’où il est prêt à aller. Elle saisit la boîte et la tient entre ses griffes.

“Finders keepers.” Elle demande le prix au vendeur. 5 euros. Elle en met le double, juste par principe. “There’s another box there, looks in a better state” Plus récent. “or how badly do you want this one?”

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C’est l’aspect des procédures judiciaires et exécutives qui empêche le coupable de condamner en soi son méfait : car il voit commettre au service de la justice la même espèce d’actions, ces actions essentiellement criminelles qui n’ont même pas pour excuse la passion.

Feargus Grant
administrateur·ice

Feargus Grant

saisons : 64 ans passés sous le soleil.
occupation : Gardien de nuit au Rotunda Museum.
myocarde : Veuf. Le cancer a emporté la seule femme qu'il n'ait jamais aimé, depuis ses dix-sept ans jusqu'à ses cinquante-trois.
miroir : Let me ask you a question | Emily E96d55c4d1262b51472173a91e6ee12cd74a9722
faciès & artiste : Peter Capaldi - CORVIDAE
victimes : 184


Let me ask you a question

❝ ❞
She asked me, "Son, when I grow old will you buy me a house of gold? And when your father turns to stone will you take care of me?"


On pourrait croire que la soirée s’annonçait merveilleuse. C’était, en tous les cas, ce à quoi Feargus aspirait, comme tous les soirs d’une existence bien trop longue - soixante-quatre ans, voilà qui commençait à en faire, du passage sur Terre, entre les genoux craquants et le dos rigide. Il avait toujours pris le parti de voir le verre à moitié plein, à l’instar de son thermos. Lui ne buvait pas vraiment, bien conscient de la théine et de ce qui pourrait, potentiellement, l’empêcher de dormir lorsqu’il aurait rejoint le cocon confortable de son petit studio de la vieille ville. Il avait bien assez d’énergie, de toute façon, pour en avoir réellement besoin. Le fait qu’il travaille de nuit n’était qu’une excuse supplémentaire pour justifier que sa fatigue n’égalait pas celle des plus jeunes qui, pourtant, n’avaient pas encore le poids des années sur la conscience.

Se retrouver, donc, sur un stand de jeux, avec comme unique adversaire une femme dans toute l’arrogance de sa jeunesse, aurait pu, pour n’importe qui, donner lieu à une contrariété certaine. Feargus ne connaissait cependant pas vraiment l’expression, et loin d’en ressentir une quelconque frustration, le prit avec son pendant enthousiaste. De quoi énerver, il en était bien conscient. Mais après tout, n’était-on pas responsable de ses propres émotions ? “Some could argue that I found it first, don’t you think ?” La malice dans le regard et une question plus rhétorique qu’autre chose, il la laisse s’en emparer, pourtant, peu désireux d’y mettre la force physique qu’il faudrait pour la lui arracher des mains. On pourrait reprocher beaucoup de détails à Feargus Grant, être prompt à la violence n’en était définitivement pas un, surtout pour un jeu de société.

Il le voulait, pourtant. S’il était persuadé que sa famille en avait possédé un, fut un temps, les multiples déménagements et éclatements aux quatres coins de Grande-Bretagne l’avait sans doute mis à mal. Personne, mis à part lui, sans doute, ne se souciait réellement des items qui prenaient la poussière au fin fond d’une cave. Peut-être se trompait-il et Moira l’aurait récupéré, ou Bailey, mais il n’en était que peu certain. A l’évidence, il avait fini dans un carton estampillé à jeter, lui et tous les souvenirs renfermés. Ou alors s’agissait-il de celui-ci ? La coïncidence en serait merveilleuse, il n’y a pas à dire. Mais pour ça, il faudrait pouvoir en observer détails et aspérités, trouver la carte légèrement déchirée par accident par James ou le pion au pied cassé.
Le prix agresse les oreilles du vieux bougre, presque outré. Aussi peu pour une merveille ? Il n’en était pas question, elle ne s’en tirerait pas à si bon compte, parole de Grant. Il regarde du coin de l’oeil la boîte qu’elle désigne, pour lui offrir la meilleure expression dédaigneuse. “This is the 1999 edition, this one is the 1984 edition. You see, this is one of the first games that my son gave to his own son, it's quite important to me. He was quite young and yet he found it most entertaining ! That was, really, the best of times.” Ce ne serait pas la première fois que les mots sortaient trop vite de la bouche de Feargus, qu’il se laissait emporter par ce qu’il avait à dire. Mais il n’était pas calculateur, ne se demandait pas ce que l’on pourrait prendre de ce qu’il disait pour s’en servir contre lui. Il n’était pas fait ainsi. En lieu et place, il partit dans ses souvenirs, l’éclat de vie dans son récit toujours bien présent. “Are you a player, miss ? I guess we could try it.” Toute confiance en ses connaissances, il n’en restait pas moins que la plupart des questions se devraient sans doute une bonne correction, mais ça ne le dérangeait pas de faire sans. Se tournant cette fois vers le commerçant, il l’interrogea du regard. “Could we ? Maybe that’s good advertising for you.” Il hausse les épaules, vagueument intéressé. Son étal, de toute manière, n’amène que trop peu de badauds pour qu’il se sente l’audace de refuser au sexagénaire tout ce qu’il demandait. Si ça pouvait le forcer à acheter. Attention de Feargus de retour sur la jeune femme, attente d’une réponse qui tardait à arriver.



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I know the things He gives me, He can take away
- beautiful things

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