Fall of the House of Usher | Evangeline

Mains dans les poches. C’est ainsi qu’Antoine commence sa journée. Les mains dans les poches, la chevelure indisciplinée et indisciplinable, la maladresse qui manque de frapper à nouveau, il esquive la plaque d’égout de pas grand-chose. Une grande inspiration, le quarantenaire s’aventure dans les rues de la ville, l’air presque insouciant collé au visage. Il sait où il va, le frenchie. Il sait ce qu’il cherche. Il a besoin d’un nouveau livre. Il ne va pas la chercher n'importe où, ni auprès de n’importe qui. Antoine, il a des pseudo goûts de luxe en matière de lecture. Il ne supporte plus les librairies, c’est devenu un lieu qui ne l’inspire plus. Les livres n’ont plus la même consistance, ils n’ont plus la même odeur. C’est un vieux de la vieille, Antoine, il aime l’odeur de la vieille page qui respire un peu la poussière. Il aime le calme que la bibliothèque peut offrir. Il aime cette ambiance d’un autre temps, l’ambiance grande salle silencieuse d’un château abandonné. L’ère victorienne dans l’apparence des grandes bibliothèques. C’est ce qui fait vibrer son imagination.

Fossoyeur on the loose, il trouve son chemin par le fruit du hasard. Il faut dire qu’il ne prend jamais la même route, jamais le même chemin pour se rendre toujours au même endroit. C’est un idiot qui aime se compliquer la vie, qui aime se compliquer la tâche. C’est un idiot qui se dit que, de toute manière, tous les chemins mènent à Rome, alors autant profiter des ruelles, des paysages de Scarborough. Antoine aime découvrir et redécouvrir une ville qui l'accueille depuis sa plus tendre enfance. Main sortie de la poche pour passer la chevelure, grisée par l’anxiété, en arrière et profiter d’une vue dégagée. La bibliothèque se dressant devant ses prunelles claires. Le voilà arrivé à destination. Le détail de la porte avant qu’il ne pousse cette dernière pour pénétrer dans l’antre du savoir, l’antre de la curiosité saine. Les étagères, rayonnages lui donnent l’impression de savoir où il va dans un large dédale labyrinthique de mots couchés sur des feuilles en vieux papiers. Le silence est de mise en ce lieu, considéré sacré par le français. Silence qu’il ponctue de sa démarche lente, de son talon qu’il fait claquer sur le sol sans le vouloir. Il pourrait presque s'excuser de chacun de ses pas alors qu’il cherche quelque chose sans but. Car si Dantès sait qu’il cherche un livre, il n’a aucune idée du livre qui l’appelle. Si la baguette choisit son sorcier, c’est le livre qui choisit son lecteur, et pas l'inverse. Rare fois où il va devoir se tourner vers la personne gérant cet endroit, pour avoir une idée de ce qui pourrait avoir besoin d'être adopté pour une soirée ou deux. Le silence retombe dans son immobilité. Le regard analysant la pièce, coin par coin avant de trouver une chevelure rousse. Il s’en approche, lentement, comme s’il s’approchait d’un animal blessé - sans savoir, que des deux, c’est sans doute lui qui a le plus l’air d’être l'animal blessé des deux. "Excusez moi…?" La voix toute douce, le ton bas. Il ne veut pas non plus déranger la demoiselle plus qu’il ne le faut.