Behind every success is a substantial amount of coffee | Ren

Ce soir, c'est boulot. Anthony s'est laissé déborder, et son sac, bien lourd aujourd'hui, se noie presque de copies d'examens qu'il n'a pas corrigées. Ok, c'est les cours de rattrapage de l'été, ça pourrait techniquement être moins important mais en vrai certains élèves attendent ces notes là pour savoir s'ils valident ou non leur année. Ceci dit, ce n'est pas vraiment la faute d'Anthony, c'est Silas qui a caché la pile dans le four. Heureusement que son père l'a retrouvée avant de lancer la pizza du jeudi soir. Entre ça et d'autres choses, le pauvre a accumulé beaucoup (trop) de trucs à faire, et le meilleur moyen qu'Anthony connaisse pour cela, c'est d'y passer la nuit dans un endroit calme, avec une dose inhumaine de café, et une babysitter (pas Beau, pas Lauren, pas George) chez lui pour Silas. Ce n'était pas la première fois qu'il fait cela, malheureusement, au point qu'il a même la permission de Mr. Tanaka de rester après la fermeture de son établissement. Le mieux ? Ça passe en note de frais.

A peine passée la porte du Eat Me que l’odeur ambiante de café semble donner à Anthony une seconde jeunesse. Il souffle et se dirige vers le comptoir, commande un americano, large, avec trois shots d'expresso (il n'a vraiment pas besoin de dormir) et va s'asseoir à sa table habituelle, dans le coin sur la gauche, près d'une fenêtre, et sort une pile de copies. Prenant le crayon coincé derrière son oreille entre ses doigts et soupire avant de rayer tout un paragraphe "how do they not know what brutalism is, in second year?" bonne question "am I such a bad teacher?" et voilà le doute qui débarque. Peut-être qu'il aurait dû rester à son compte, à enchaîner les contrats et chantiers… Mais ça lui aurait pris trop de temps. Enfin, ceci dit, le voilà quand même dans un café à bosser alors que la nuit se rapproche. Alors qu'il pondère sur ses choix, son café arrive enfin "Thanks Ren, i really need it, i feel it's gonna be a long night."

T’as jamais su faire dans la neutralité absolue vis à vis de tes clients. T’étais pas fait pour être dans ce chemin de vie, à la base, et tu supposes que ça se sent via certains de ces choix. Alors oui, t’as pu développer une certaine familiarité avec certains de tes clients. Alors quand tu vois débarquer Anthony parfaitement à la fermeture, t’es pas réellement surpris. Ça lui arrive souvent, de venir corriger ses copies dans ton établissement, pendant que tu finis des tâches administratives ou la préparation pour l’ouverture du lendemain. C’est une dynamique qui te convient, tant qu’il te laisse t'asseoir après un temps respectable de travail afin de partager une tasse de thé avant de fermer réellement.

Ce soir-là n'est pas bien différent des autres. T’es pas mécontent de voir la porte s’ouvrir sur le professeur après une longue journée qui, si elle est terminée pour le café, ne l’est pas pour toi. Des petits problèmes électriques sont venus chambouler ta journée plusieurs fois en quelques semaines, et tu te doutes que c’est quelque chose que tu devrais essayer de réparer avant que cela ne devienne un problème trop important.

Tu déposes sa commande à la table sur laquelle Anthony est installé, en y ajoutant une des petites pâtisseries qu’il vous reste et qui est vouée à finir sa vie à la benne, autrement. “My pleasure,” que tu réponds “I feel like so too. A lot of things need fixing around here.”

Ren compatit au besoin de café et partage sa propre fatigue. Pour avoir bossé dans un café pendant ses études, il y a de ça une éternité, Anthony comprenait bien, rester debout toute la journée à servir des commandes, nettoyer derrière les gens, et gérer les mécontents, ça ne lui manquait pas. Au moins il avait moins de râleurs en tant qu'architecte, comme si les clients savaient qu'il valait mieux ne pas se mettre à dos la personne qui fait en sorte que votre toit ne vous tombe pas sur la tête. Et en tant que prof, ses élèves avaient l'air de l'apprécier. Oui vraiment, il ne regrettait pas de ne plus être dans les chaussures de Ren.
"You tell me if you need anything, I still have contacts if you need some touch up or work done in the café" Il s’y connaît lui-même en électricité et plomberie au besoin, mais son dos et ses genoux de quarantenaire préfèrent quand il se contente de faire des échanges de numéros de téléphones.

“Thanks, I appreciate it,” tu réponds à ton client. S’il y a bien une chose que tu apprécies à Scarborough, c’est l’aspect solidaire qu’on peut parfois trouver. Ce n’est pas toujours le cas, même entre commerçants, mais c’est une des raisons qui t’ont poussé à y rester.