Here comes the drama
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Sous la lumière des projecteurs, certains ont tendance à s’oublier…
Iels me feront chier jusqu’au bout ces Velvet. C’est la réflexion première qui t’anime quand le directeur de la salle t’appelle, alarmé de n’avoir vu personne se pointer passé dix-sept heures. Iels étaient en retard. Pour les prises de son, qui pouvaient se faire sans ell.eux, mais aussi pour la préparation. Aucun moyen de savoir où Rex, Roxy, Jamie et Sim s’étaient fourré.es, puisqu’aucun.e ne décrochait son putain de téléphone. C’était pas faute de leur faire remarquer, pourtant, qu’iels passaient leur vie dessus, d’ordinaire. Forcément, quand il fallait les appeler, les technophobes étaient de sortie. “Fuck !” Un coup de klaxon qui ne sert qu’à apaiser tes nerfs, alors que t’es bloqué dans le trafic. T’as déménagé dans une ville tout à fait modeste, entouré de nature, pour te retrouver aussi coincé que dans le périph’ londonien. C’était une super idée.
Au moment où tu dépasses l’accident, t’es toujours au téléphone, soulagé d’apprendre que toustes, sans exception, est arrivé à bon port. Avec quarante-cinq minutes de retard, mais c’était mieux que rien. C’est ce que tu t’efforces de dire, alors que tu gares la caisse pas trop loin de la salle de concert. Pas d’entrée des artistes ici, mais c’est pas toi qu’elle attend, la foule postée à l’extérieur, alors tu l’ignores pour arriver par la grande porte, après avoir échangé trois mots avec les vigiles à l’entrée. Tu perds pas un souffle pour te rendre dans les loges. “Tout le monde est prêt.e ?” L’assistant, que tu trouves planté au milieu du couloir, bégaie un peu. “Je … Presque. Encore au maquillage, et après …” Tu l’écoutes déjà plus, que tes yeux sont rivés sur l’heure de ton téléphone. Il leur reste cinquante minutes. T’espères que tout le reste est en place, parce que s’iels sont pas foutu de satisfaire, tu pouvais tirer une croix sur la salle, on te l’avait bien fait comprendre. Et c’est pas comme si Scarborough avait quinze spots intéressants à offrir. “Allez les chercher. Maintenant.” Tu sais pas si c’est l’autorité de la voix ou juste le stress, mais l’assistant devint blanc et disparut, pour revenir quelques secondes plus tard, penaud. Tu comprends rien à ce qu’il te dit, mais t’as pas le temps de décoder, alors tu le pousses - pas si - gentiment sur le côté pour qu'il te laisse passer. “C’est bon, j’ai compris, j’m’en charge.” T’entres dans la pièce, examine la scène, Roxy qui fait tourner sa chaise, impatiente, dans un coin, les pinceaux, les palettes, les miroirs, Rex tête baissée qui a l’air vexé et surtout, surtout, le maquilleur énervé qui te laisse pas le temps de parler avant de sortir sa diatribe. T’as un temps d’arrêt, avant que tes sourcils se froncent, presque malgré toi. “ Alors premièrement, vous allez baisser d’un ton. Deuxièmement, est-ce que je ressemble à leur daron ? C’est leur taf, pas le mien, d’être prêts à l’heure, je suis pas animateur de centre aéré. J’admets avoir autre chose à foutre qu’appeler le maquilleur quand c’est le concert entier qui a été remis en cause avec leurs conneries, ouais, un truc à dire de plus ?” Sourcils qui se relèvent, maintenant. Pourtant, tu te détournes vers le mec qui en moufte pas une. “Vous foutiez quoi ? Non en vrai je veux pas le savoir, c’est pas le moment, on en parlera après.” Tu réfléchis, faisant tourner tes méninges.
Une demi-heure, c’était dix de trop. “Sim et Jamie sont déjà passés ?” T’attends confirmation. Peut-être que dans ton malheur, y avait un espoir. Tu te tournes vers Roxy. “Va voir où iels en sont, qu’iels soient prêt.es et branché.es dans cinq minutes, on va modifier l’ordre de la setlist, dis-leur de partir sur Another way out et prévient la technique. C’est pas idéal, mais dit à Jamie de faire le tour. Et après tu reviens.” Tu souffles, quand elle passe la porte. T’es à deux doigts de les laisser gérer, mais t’iras quand même vérifier qu’elle a bien fait le taf, parce que c’est comme ça que tu bosses. De nouveau l’attention sur les autres, cependant. “Une demi-heure ça devrait le faire. Enfin, si vous avez fini de gueuler, sinon ça risque d’empiéter sur sa gueule à lui.” T’es salé, mais en même temps, t’étais déjà de mauvaise humeur.