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09.24 || Bord de mer, nuit tombée, marée qui monte et vent qui se lève.
Les jours commencent nettement à se raccourcir, et malgré la relative douceur du mois d’août, les soirées se font plus fraîches et plus vite sombres. Le bord de mer se fait plus vide, lui aussi, alors que la population quitte en général les lieux vers dix-huit heures. Il y a bien toujours quelques groupes, mais plus espacés.
Cela ne le dérange pas ; le silence et le vide sont deux choses qui ont pu l’effrayer, fut un temps, mais ce n’est plus le cas à présent. Il y a au contraire quelque chose de rassurant d’évoluer dans un environnement au diapason de son propre esprit.
Après une journée à entendre ses oreilles bourdonner de bruits, le roulement des vagues et le rire cynique des goélands sont comme un retour à zéro, une promesse d’apaisement.
Le vent se lève, comme souvent quand la marée monte. Avec la disparition rougeoyante du soleil, une fraîcheur salée balaie la plage, soulevant de fines couches de sables sous ses pieds. Par-dessus un t-shirt à l’effigie d’une série qu’il n’a même pas regardé, il porte sa veste pour se protéger de la baisse des températures. S’il aimerait bien retirer ses chaussures pour profiter du contact moelleux du sable sur la plante de ses pieds, il évite : le sable n’est agréable que sur une plage, et pas dans une voiture ou le parquet d’un studio.
La plage est longue, l’aller-retour prend bien trente minutes, en marche tranquille. Il avance sans vraiment prendre garde à ce qui l’entoure, se concentre sur le bruit, la sensation du vent sur son visage. Il passe deux doigts sur son arcade sourcilière gauche ornées de quelques points de sutures, la douleur a totalement disparu, mais la sensation reste encore assez forte.
C’est un cri qui le force à relever la tête, tiré du vide dans lequel il se contentait par un sursaut d’angoisse. Là, devant lui, à quelques pas, une silhouette (une femme, à l’intonation) vient de tomber en avant dans la mer. Même si ce n’est pas quelques centimètres d’eau qui allait la submerger, la scène est quand même saisissante, parce que la femme se débat, et a même perdu ses affaires dans l’aventure tout de même grandiloquente.
Sûrement quelqu’un qui a un peu trop arrosé le début de soirée, pour être dans un tel état.
Cependant, d’entendre de nouveau un cri de détresse, John ne peut pas vraiment tourner les talons et faire mine qu’il n’a rien entendu, et que l’angoisse de cette femme n’est pas venu tourmenter son agréable silence. Il est de ces personnes qui culpabilisent vite, et il serait capable de se retourner l’histoire dix mille fois dans l’esprit avant de trouver le sommeil.
La distance est parcourue en quelques instants, et il ne lui en faut pas plus pour tendre le bras, attraper les chaussures qui étaient en train de mettre les voiles, mouillant dans le même temps la pointe des siennes. De son autre main, il attrape l’inconnue pour la tirer un peu en arrière, plus loin des vagues potentiellement traîtresses.
"Ola, you should be more careful, miss," fait-il avec un petit sourire, la voix assez basse. Il ne parle pas fort, soit qu’il se juge déjà trop grand pour ne pas en rajouter ou bien que ce fut une habitude qu’il a depuis sa jeunesse… "Are you alright?" Il ne sent pas d’odeur d’alcool sur elle, peut-être est-elle blessée ? Ou bien juste un peu… étrange. En réalité, plus il la regarde, malgré la faible luminosité ambiante, plus il ressent une douce sensation de familiarité. Elle le prend au ventre, l’apaise encore plus que le bruit des vagues.
Il la fixe un bref moment, en retour au propre regard de l’inconnue.
Il se reprend dès qu’il s’en aperçoit. On ne fixe pas les femmes qu’on vient d’attraper par le bras, la nuit tombée. Règle de base. Il la lâche d’ailleurs. "Oh… there. Your shoes," dit-il en les lui tendant. "Shit, you must be cold, aren’t you?" Trempée comme elle l’est, avec ce vent ?