mémoires d'outre tombe (amelia)

Abigail avance d'un pas décidé sur un terrain miné. Jonché de souvenirs. C'est maladif chaque fois qu'elle s'approche d'un lieu que Wallace fréquente, elle est en proie à des flashbacks du temps où elle n'avait pas besoin de le chercher pour le trouver, parce qu'il se trouvait naturellement à ses cotés. La bâtisse de Ravenscar a fière allure et elle reconnaît l'amour pour les végétaux. Elle aurait dû se mettre au vert elle aussi, plutôt que loger dans Scarborough même et transformer sa maison en serre. Il faut dire qu'elle n'avait pas prévu de venir ici pour le travail à la base. Des petites villes à la nature luxuriante il y en a d'autres sur la côte.

Face à l'absence évidente de la personne qu'elle est venue voir originellement, Abby prend les devants. « Oh ! Saluuut ! » Comme d'habitude, elle instaure un climat de complicité, s'approche toute guillerette d'Amelia qui elle est bien présente et pourra sans doute la renseigner. Tentative de se mettre la gamine dans la poche. « Tu m'offres le thé ? Je suis désolée de débarquer comme ça à l'improviste, c'est ton père que je cherche. » Amy est ravissante comme à son habitude. Elle la trouve si jolie qu'elle est tentée de croire que la môme est peut-être vraiment de Wallace. Maintenant qu'on est là toutes les deux, on pourrait faire connaissance. » Loin de là l'idée de reconquérir son ex en utilisant l'affection de sa jeune fille. C'est qu'elle est une extension de lui et les sentiments rémanents qui persistent dans son coeur veulent accorder la même bienveillance à tout ce qui est Wallace. Et elle l'est d'une certaine manière. Promis je ne reste pas longtemps. » Jusqu'au retour du grincheux de service, ou bien elle fuira avant maintenant que tout son courage a fondu comme neige au soleil.

L'évidence était de mise pour Amelia qui se disait bien trop souvent qu'elle en savait encore peu sur ce qu'il y avait dans le coeur de Wallace et dans son passé. Elle en connaissait quelques bribes, mais aussi grincheux qu'il soit, elle avait peu d'informations sur cette relation avortée qui parce qu'elle en a déduit, reste amer et un échec pour lui. Ou peut-être de tristesse, elle ne sait jamais vraiment. Aujourd'hui l'endroit était propice a ses recherches pour les cours qui allaient reprendre dans la semaine, de quoi s'avancer un peu dans sa nouvelle année avec un vieux bouquin poussiéreux sur les genoux et un verre d'eau citronné. Contrairement a d'autres qui ont toujours besoin de café pour se concentrer, Amelia elle avait besoin de son eau et ses tranches de citron.

Son attention était portée sur les pages fragiles de l'ouvrage jusqu'à ce que des pas sourds résonnent loin d'elle, ne reconnaissant pas la pattes boitante de Wallace, son regard perplexe foudroyait alors la femme blonde qui venait de pénétrer cette demeure. « Salut. » habituellement froide, un trait de sa personnalité qui n'en démord pas malgré l'esprit solaire d'Abigail. Amy se relevait de sa chaise pour afin de chauffer l'eau et en sortait une boîte avec plusieurs thés en vrac qu'elle laissera son interlocutrice choisir. En somme, elle n'était pas tant sur ses gardes face a elle, se doutant bien de qui elle était. « Du sucre avec le thé ? »

C'était encore très étrange pour elle qu'on parle de Wallace comme étant son "père" du moins de l'appeler ainsi comme s'il l'avait toujours été, comme s'il était de sa génétique. Non pas qu'elle avait du mal, mais la sensation lui semblait parfois irréelle autant que normale. Tout dépendait de comment elle se sentait dans la journée ou dans le mois. « Il est pas là. Wallace est l'ado de la maison, il prévient jamais a quelle heure il rentre. » Un sourire certes mais ironique, de toutes ses dents. Ceci dit elle fut a nouveau perplexe a cette mention de "faire connaissance". Généralement lorsque les gens, ou la plupart, entendent le nom d'Amelia Everliegh préfèrent encore se manger un mur plutôt que d'affronter le regard sombre et le cynisme de la jeune étudiante. « Ouais. Si tu veux. » Un peu nonchalante la gamine, pas très douée pour accueillir les gens. « T'as un nouveau mec ? » Histoire de mettre les pieds dans le plat, d'avoir des informations et probablement qu'elle essaiera d'en savoir plus sur ce qu'ils ont été avant qu'elle n'arrive dans la vie de Wallace comme un boulet de canon.

Elle sélectionne un earl grey et approche le sachet de ses narines pour respirer le parfum du thé. Elle ferme les yeux un bref instant et savoure cette madeleine de proust. La maison de ses parents sent toujours le thé, sa mère en prépare à longueur de journée. Il y en a jusque dans les biscuits que l'on sert avec, les savonnettes disposées dans la salle de bain pour les invités, les notes de son parfum. C'est une odeur qu'elle trouve rassurante, comme celle qui s'élève de la terre humide après la pluie. Elle l'associe au bruit de la théière qui siffle. De quoi vaincre la nervosité qui s'installe en elle. Abigail n'a plus peur de décevoir depuis l'adolescence, quand elle a comprit qu'elle décevrait son père quoi qu'il en soit. Elle se fiche de ce qu'on peut penser d'elle. Enfin, ce n'est pas n'importe qui ici présente.
Abby est perturbée par Amélia, par son apparence. Parce que par instants, elle en vient à penser qu'elle aurait pu être sa mère.

Elle sourit à la remarque d'Amelia, peu surprise. Wallace est comme ça, il quitte la maison en furie parce qu'une idée merveilleuse à jailli ou parce qu'il vient de résoudre une énigme coriace. Il est dévoué à la tâche, peut-être trop. A l'époque, Abigail ne s'inquiétait pas de savoir où il allait. Il finit toujours par rentrer. Il ne parle pas de ses plans, il agit. « Il va falloir l'attendre alors. Elle hausse les épaules. J'espère qu'il ne se nourrit pas comme un ado. » Il faut qu'elle avoue quelque chose. Abigail n'est pas une si bonne cuisinière. Par manque de temps et d'investissement et parce que malgré tous ses efforts, ses plats ne ressortent jamais aussi bon que sur la recette. Elle se débrouille. Alors les repas avec elle, ça finit toujours par ressembler à une publicité pour des boîtes de conserve ou des plats préparés. Ou est-ce que je peux espérer qu'il passe sa retraite à la tête d'un foodtruck après avoir terminé sa phase inspecteur gadget ? » Ce serait moins dangereux que jouer les fouineurs dans cette ville qui semble étrange. Et maudite.

Soudain, Abigail éclate de rire, la tête renversée en arrière. Elle rit à s'en donner mal au ventre et s'appuie contre sa chaise pour reprendre son souffle. « Tu n'y vas pas avec le dos de la cuillère je vois ! Elle se demande ce que Wallace lui a raconté. Abigail a rencontré d'autres hommes depuis, mais elle ne cherche pas à se lancer dans une nouvelle aventure. Une chose est sure, elle ne va pas se remarier, elle est trop donné. Revivre la douleur du divorce ? Peu pour elle. Si c'est pour s'enchainer à un partenaire jusqu'à la fin parce qu'elle n'a pas la force de partir et se reconstruire, autant rester seule. Ma compagnie me suffit amplement. Les mecs c'est has been.  Elle soupire. Sans parler de ses conquêtes qui n'ont pas toujours eu le niveau. Il y a d'abord, tous ces londoniens que son père lui a présenté et dont la personnalité manque. Désolé. Je débarque comme ça et je fais comme si j'étais chez moi. Wallace était aussi mon meilleur ami avant d'être mon époux. Notre relation demeure cordiale. » Elle garde le meilleur. Elle garde tout ce qu'elle peut garder.