city of stars
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well she looks at you so coolly, and her eyes shine like the moon in the sea
Le vieux camion est laissé à l’arrache dans le parking, le côté conducteur directement dans une flaque d’eau. Le moteur s’arrête et la musique coupe aussitôt, et Hemlocke chantonne les derniers couplets de la chanson après l’arrêt de la radio alors qu’il récupère la vieille veste en cuir sur la banquette arrière. Il ne voudrait pas être détrempé - ou pire, décoiffé - avant son entrée sur scène. Oh, bien entendu, l’audience n’en a vraiment rien à faire; et lui non plus, en temps normal - mais ce soir est loin d’être normal. Parce que ce soir, il ne performe pas seul; il y a sa douce fée préférée, sa violoniste à la voix de rossignol; et il ne saurait la décevoir.
Il sait qu’elle sera parfaite, prête pour une soirée à l’opéra; alors il jure lorsque ses pieds amerrissent, puis touchent le fond de la flaque un peu trop profonde; que l’eau sale éclabousse l’ourlet de son pantalon. Il s’arrête à peine pour secouer les chaussures qui commencent à prendre l’eau, se précipitant plutôt jusqu’à la porte du bar, protégé par la veste qu’il tient au-dessus de sa tête comme un parapluie.
Il n’a pas besoin de se préparer: un shot de whisky (gracieuseté de la maison), et il laisse sa veste et son porte-monnaie dégarni avec le barman. Dans le miroir qui orne le derrière du bar, craqué et poussiéreux, Locke vérifie ses cheveux; s’assure que la chemise noire et soyeuse tombe parfaitement imparfaitement sur ses épaules. Le tissu est doux et si léger qu’il croirait être enveloppé d’un nuage: c’est bien le genre de Hwan, ça, de porter des chemises aussi… aussi… chères, et inutiles. Inutile contre la fraîcheur qui lui caresse la nuque chaque fois que la porte s’ouvre, inutile parce qu’il pourrait aussi bien ne rien porter et sentirait à peine la différence. Mais il doit bien avouer que la chemise ample reflète joliment la lumière, et met délicieusement en valeur le relief de son visage, la noirceur de ses yeux.
Elle ne manquera pas à son propriétaire, il en est sûr; depuis le temps, il l’aurait certainement mentionné.
Il s’installe au piano, teste les notes de gestes sûrs; une mélodie qui revient à chaque fois, qui annonce le spectacle à venir; qui l’assure que l’instrument n’est pas entièrement désaccordé, quoique la majorité des clients du bars n’y prêteraient probablement pas attention. « Ma meilleure moitié ! » Le regard qui se pose sur Eryn est jovial, enchanté; ce n’est pas le sourire charmeur qu’il destine au grand public; c’est celui, honnête, qui se glisse sur ses lèvres à partir de son coeur. Et l’expression presque timide qui suit son offre de chanter pour lui est à peine exagérée. « Eryn ! Tu vas me faire rougir. » Il bat des cils, l’air de dire oh stop, you. Mais il est touché; réellement touché, et fébrile à l’idée de devoir, et pouvoir, choisir la chanson qui lui fait le plus envie, quelque chose de précieux et près de son coeur, à accompagner au piano.
Il y pense si sérieusement qu’il en fronce légèrement les sourcils, tandis que les doigts parcourent les notes du piano sans y presser. Et puis une note résonne, suivie d’une seconde, et on dirait qu’une ampoule vient s’allumer au-dessus de sa tête, baignant tout son corps d’une lumière imaginaire. « Year of the Cat ? » L’espoir au fond des yeux, l’introduction jouée avec un sourire pour voir si elle arrive à la reconnaître. Une vieille chanson des années 80, un truc de daron, le genre qui a résonné dans toutes les balades en voiture de son enfance.
« Et j’avais un truc à te demander. » Y’a le trac qui se glisse sous ses côtes; un papillonnement qu’il ne ressent pas souvent; parce que le piano, il pourrait en jouer les yeux fermés. Mais ça… « Tu voudrais pas chanter une chanson avec moi ? » L’air presque étonné d’avoir osé proposer, la nervosité au coin de la bouche. Mais il faut bien se lancer, non ?