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entretien - Annabeth

2 participants
Alden Ackley
aucune suspicion

Alden Ackley

saisons : 45 patientes années
occupation : auteur
myocarde : cis-hetero celibataire
faciès & artiste : james macavoy ; face roulette (tumblr)
victimes : 59


entretien



La Corolla, jet black, de 1972 vrombissait dans les rues de Scarborough, alors que je roulais en direction de l’hôpital. Jamais en retard, toujours parfaitement apprêté chez les Ackley. C’était en tout cas ce que me répétait mon père toute mon enfance. Cette attitude était digne de notre rang disait il. “Notre rang, et notre rôle, tu peux comprendre ça ?!” qu’il me hurlait, ses deux mains massives enserrées à mes deux épaules. De quel rôle parlait-il, de quel genre de rang était-il si fier, je me ne l’expliquerai jamais. Sa fierté transpirait à travers chaque centimètre carré de sa peau, chaque accessoires qu’il portait à ses costumes, jusqu'à la simple chevalière à se main. Sa prétention à toujours être meilleur, toujours plus que les autres m’a toujours dégoûtée. Cette chevalière, elle était désormais juchée sur mon annulaire droit, brillante sur cette main qui serrait si fort ce volant. Ce statut pseudo-aristocrate, surtout et simplement riche, c’était moi qui le portait. Ces sempiternelles cogitations étaient, comme à leur habitude, signe que je me dirigeais vers ces rendez vous que j'abhorrais : les entretiens avec ma psychologue.

Frein à main serré, il me fallu quelques minutes - minutes qui me mirent en retard, pour rassembler mes forces et mes pensées pour sortir de cette voiture. De quoi allions nous parler aujourd’hui. Quels maux allait-elle déterrer après seulement un rendez-vous, qui datait maintenant d’il y a quelques semaines. Le précédent avait servi de présentation : habitudes de vie, vie de famille, famille compliquée : compliqué fut ce rendez vous. Rempli de répétitions, de bégaiements, d’hésitations et de non-dits. Quel souvenir allait-elle ramener à la vie ? Ceux de cet Alden enfant, toujours dans l’incompréhension face aux exigences de ses parents ? Ceux de l’adulte héritant de la fortune de ses parents bien plus tôt qu’il ne l’avait pensé ? Ou encore ceux d’un adolescent secoué par une vie rude aux apparences pourtant si douces. Alors j’ouvrai la portière, doucement, calmement. Puis, un pas devant l’autre, me dirigeait vers l’hopital.

C’est cette odeur qui me frappa lorsque la porte automatique me laissa passer. Une odeur trop propre, trop neuve, trop aseptisée pour être vraie et honnête. Ou peut-être étais-je déjà coincé dans ma tête, analysant tous les éléments de mon champ de vision, anticipant de quelques minutes le rendez-vous pour lequel je mettais les pieds ici. Vite habitué à ce parfum abject, je guettai le premier écriteau indiquant une certaine Bradner, psychologue avec qui j’allai échanger. Enchaînant les couloirs, parfois vides, parfois encombrés de brancards et autres fauteuils roulants, je finissais dans une alcôve, près du bureau tant redouté. Ces cinq dernières minutes furent partagées entre panique silencieuse et repos de l’esprit. Une dernière bouffée de calme ambiant avant de me plonger dans le brouhaha mental. Puis une femme se présenta à quelques mètres. Mon analyste du jour, l'intellectuelle ennemi de mon esprit. Je la saluai en me relevant, et pris la parole.

“Je n’ai pas envie d'être là, et je ne sais pas de quoi je vais parler, mais j’imagine que ça aussi, c’est un départ intéressant pour un rendez- vous avec sa psychologue.”


Annabeth Bradner
aucune suspicion

Annabeth Bradner

saisons : (trente-et-un ans) douce agonie qu'est la décadence, trois décennies marquées sur le visage.
occupation : (psychologue) adoratrice de l'esprit et de ses méandres, à l'écoute des maux que d'autres ne peuvent pas voir.
myocarde : (célibataire) palpitant à l'abri dans la cage thoracique.
miroir : entretien - Annabeth Tumblr_nd0wppXKL31rtocego1_250
faciès & artiste : p.tonkin | cheekeyfire.
victimes : 169

online

entretien.

tw / santé mentale est au cœur du sujet ; prenez soin de vous.

la grande majorité des personnes qui viennent te voir ne voulait pas avoir à faire à une psychologue. tu le sais. combien de fois un nouveau patient est arrivé, clamant haut et fort qu'il n'y avait pas nécessité de venir te voir ? beaucoup trop pour compter. il y a cette sorte de tabou autour de la santé mentale. une interdiction d'en parler.  cette honte, que tu comprends pas vraiment. une honte à aller voir un professionnel lorsque ça ne va pas, lorsqu'on en a besoin.

tu comprends.
tu sais.

tu sais que c'est pas facile de demander de l'aide. de faire le premier pas, d'admettre qu'on a besoin de voir quelqu'un pour aller mieux. dé l'égo ou une honte bien ancrée dans la société, tu ne sais pas lequel est le plus proéminent. forcé de constater que tes patients reviennent toujours, même si les débuts ont put être chaotiques. alors, lorsque jenny sort du bureau, un sourire au bout des lèvres et le visage apaisé, les souvenirs reviennent. les images des premières séances, la jeune femme qui ne voulait pas ouvrir la bouche, mais qui revenait quand même à chaque fois. elle qui s'asseyait, croisait les bras, et attendait que l'heure tourne. sans jamais dire quoi que ce soit. jusqu'à ce jour fatidique.

deux ans plus tard, les séances se font plus sporadiques, mais jenny revient toujours régulièrement. il y a quelque chose en elle qui a changé. doucement, elle a reprit le contrôle de sa vie. elle n'a plus peur d'admettre ce qu'elle veut, ce dont elle a besoin, et ça, ça n'a pas de prix.

alors les premiers mots que ton nouveau patient te proclame ne t'étonnes pas, loin de là. « je n’ai pas envie d'être là, et je ne sais pas de quoi je vais parler, mais j’imagine que ça aussi, c’est un départ intéressant pour un rendez- vous avec sa psychologue. » tu laisses un sourire étirer tes lippes lorsque les premiers mots sortent de sa bouche. une approche plutôt frontale. à nouveau, ce n'est pas la première fois, loin de là. la plupart des hommes qui viennent consulter ont le même comportement. « monsieur ackley, je suppose ? » tu réponds, l'air de rien, d'une voix légère, presque nonchalante. « annabeth bradner, enchantée. » tu lui fais signe de te suivre dans ton bureau.  

tu sors deux tasses. « un thé ? un café ? » tu proposes en te servant toi-même un café. deux sucres, comme d'habitude. pas plus, pas moins. assez pour améliorer le goût du breuvage tant désiré, sans pour autant le faire disparaître derrière celui du sucre. « et bien, monsieur ackley, comme vous le disiez si bien tout à l'heure, nous pourrions commencer par discuter et comprendre pourquoi vous ne vouliez pas venir consulter ? » un nouveau sourire mielleux.