Escapism | ft. Narcisa

Le soleil timide des étés britannique a laissé place à une grisaille tenace, quand ce n’est pas de la pluie qui a pavé leur chemin. Mais la conduite assurée d’Isla les a mené sans encombre jusqu’en Ecosse, entre quelques arrêts touristiques pour parfaire le voyage. Jamais ne lui viendrait l’idée d’une expédition pour les affaires seulement. Autant lier l’utile à l’agréable.
C’est tout au plus une excuse pour une sortie loin de Scarborough, en bonne compagnie – quand bien même Dario crierait au favoritisme. Sur le siège passager, Narcisa est d’humeur agréable, et les discussions fusent avec naturel, font s’écouler les heures si vite qu’elles en oublieraient presque que l’Ecosse est aussi loin de Scarborough. Installée au chaud dans le vieux coupé sportif, les paysages défilent, et le temps avec lui.

Les pneus crissent sur l’allée de gravier, une fois le portail du domaine passé. Au bout du chemin bien entretenu dévoilé par les phares de la voiture, un château écossais, tout ce qu’il y a de plus distingué, savamment éclairé dans la nuit tombée.
Tout juste stoppé devant l’entrée, aucun effort pour se garer n’est vraiment fait, elle y préfère la nonchalance de celleux qui se savent comme chez elleux, et qui y ont tous leurs droits. Déjà, un voiturier se précipite, et les clés de la voiture lui tombe dans la main sans une hésitation. Un autre la garera pour elle.

Talons aiguilles plantés dans les graviers, elle a pourtant l’air sûre de ses appuis en levant le nez vers la demeure, laissant trainer un regard analytique sur la vieille pierre et ses ornements. “Joli château. Peut-être devrais-je l’acheter avec son whisky. Ce serait une jolie retraite.” Si son propriétaire voulait seulement s’en séparer. Elle a appris d’expérience que les vieilles familles redoutent plus que de tout de se séparer de leur héritage qui va avec leur titre de noblesse. What a shame.

“Miss Blacksmith. Miss Serafini.” Sur le perron de la maison, un homme les accueille, costume taillé sur mesure, l’air concerné, mais humble, de celleux qui ont leur place en ces lieux seulement parce qu’on les y emploie. “Mesdames serait de meilleur goût. Et plus respectueux.” La langue claque sans pitié, balaie les vieilles traditions d’une assurance présomptueuse. “Bien sûr. Veuillez me pardonner.” Les mots sont assurés, tombent avec l’habitude de celui qui sait qu’il vaut toujours mieux acquiescer que contester. “Monsieur vous attend à l’intérieur. Veuillez me suivre. L’on s’occupera de votre voiture et de vos bagages.” D’un geste, il les invite à grimper les marches à sa suite et ouvre grand les portes du hall d’entrée, dans l’attente d’un geste de leur part.

Un mince sourire se dessine sur ses lèvres, quand elle jette un coup d’œil complice à sa partenaire. “Faisons le tour du propriétaire avant de nous emballer.” Et c’est à son tour de s’avancer vers le château, de retrouver la sûreté des marches sur lesquelles ses talons claquent avec assurance.