centre d'emploi | 11.2024
❝ ❞
Où sont les rêves, où sont nos rêves d'enfants
S'échapper, déserter les rangs
S'évader des tapis roulants
Chercher le silence et l'errance
Raccrocher, trouver sa cadence
Se foutre des codes, des routines étroites
Quitter son rôle, les cases et les boîtes
Ne pas craquer, claquer, cramer
Desserre ton col pour respirer
— No.
Le mot est lâché, là, comme ça, comme un bouchon de champagne qui pète dans la salle. Sauf que ce n’est pas chez Vaast qu’on irait faire péter le champagne et surtout pas dans un rendez-vous avec Sam. Non, c’est un bouchon de champagne un peu mouillé et un peu traumatisé qui pète quand Sam parle. Peut-être même qu’il faut abandonner cette image de bouchon de champagne et partir plutôt sur le miroir qui tombe au sol et qui se brise.
Et Sam n’en est pas à sa première chute.
Y a un truc au fond de sa gorge alors qu’il lance le papier qu’on lui a tendu pour qu’il aille tomber sur le bureau de son conseiller. Ça n’explose pas, ça ne fait pas de bruit, un papier. C’est anti-climatique mais au moins Sam n’a plus le visage souriant d’Amadea qui le fixe depuis l’impression de l’offre d’emploi. Il en a des frissons dans la nuque, le dos, quelques chose qui fourmille dans la paume de la main. Il se sent ni chez lui, ni en lui, et déjà qu’il peut pas supporter la gueule de Vaast mais, là, il a carrément envie de l’encastrer dans son écran pourri du service public.
Sam inspire, il inspire trois fois, il a encore son porpre No qui écho dans sa tête.
Il se lève. Il se regarde faire et il n’y croit même pas quand il se lève, prend la porte, traverse le couloir sans fenêtre, retrouve le chemin vers la sortie, claque la porte du centre d’emploi en essayant de retenir la crise d’angoisse de prendre le contrôle de son corps.
Il les déteste tous, il en a marre de tous, il veut se tirer, il en peut plus, il veut encastrer la gueule de Vaast dans un mur et tant pis si ça le renvoie en taule, tant pis si ça déçoit tout le monde, tant pis si ça nique tout. Il a juste tellement d’enfoncer quelque chose quelque part et de relâcher cette saloperie de tension qui lui explose la mâchoire.
Vu qu’il a du mal à respirer il sort une clope, l’allume en six coups violents et répétés, et c’est pas suffisant mais ça aide un peu. Il se retient de se mordre la langue, se contente de la lèvre, et ça le ramène un peu sur terre.
Il ne s’éloigne pas, pas vraiment, parce que malgré tous ses efforts il n’en a pas le courage. Il n’explosera pas la gueule de Vaast, il enfoncera rien nulle part, et il retournera pas en prison. Il va juste se calmer, ici, puis y retourner, finir ce putain de rendez-vous, quitte à ce que ce soit en silence, puis revenir à la maison. Whatever it means.
Il en a conscience, et peut-être que Vaast en a conscience ausis, mais ça n’empêche pas la porte d’entrée de se rouvrir et que sa face de mort-vivant revienne hanter Sam.
Il se braque, aussitôt. Regard noir, mâchoire serrée, corps encastré dans l’angle et son poing libre qui se serre. Avant de se reprendre une inspiration de clope il lâche comme un avertissement :
— I said no.
Il ne retravaillera pas pour Amadea. Il sait que son avis, dernièrement, on s’en fout, que ses « non » n’ont pas d’écho mais il là, non. Hors de question. Il faut bien que ça s’arrête quelque part. Et ça s’arrête ici.