«
Hi cutie, did you miss me? » Bisi s'agenouille tout en veillant à ne pas tacher son pantalon blanc. «
Of course, I did. » dit-elle d'une voix mièvre. Le chat couleur crème se tient devant elle, passe entre ses jambes et s'y frotte. Ses ronronnements s'intensifient lorsque la jeune femme ouvre enfin la boîte de thon. La petite créature y plonge son museau, se délecte et Bisi l'observe, l'affection au fond des prunelles. Elle n'a pas le temps d'avoir un chat, du moins son train-train quotidien ne lui permet pas. Pas souvent chez elle, vadrouille à droite à gauche, bosse la plupart du temps : avec déception, elle s'est fait une raison. Alors, elle compense, nourrit les chats du quartier, attirant assurément certains chats errants qui ont l'air de se passer le mot. Courbe le dos, baisse le museau quand elle voit des notices dans le hall
« Don't feed feral and stray cats » ou que les vieux geignards du quartier râlotent à coup de
« For god's sake! » à la rencontre de toujours plus de chats vagabonds. Plus fort qu'elle ; arrive pas à se contrôler face aux minous qui l'implorent pour une bonne pâtée.
Hypnotisée par les ronrons, avide de caresses, d'un peu d'amour félin qui la perde dans une contemplation d'entichée, elle n'entend absolument pas l'un de ses réveils programmés sur son portable. Le bruit répété fait fuir le chat, la forçant à sortir de sa transe. Contrariée, Bisi découvre toutefois qu'elle est bien en retard pour son rendez-vous du jour.
Tout se déroule à merveille, bien que Bisi soit un peu à la traîne. Elle organise cette surprise depuis plusieurs semaines : le plan d'épargne logement est craqué, la belle tenue enfilée, la journée entièrement banalisée et réservée pour la princesse, la location d'une décapotable d'époque blanche comme carrosse signée et actée. Ainsi une vieille Nash-Healey, star des films d'amour des fifties, rutilante et comme neuve, l'attend. Prête à être cabossée et secouée dans tous les sens, Bisi s'y installe et la démarre. Des ballons gonflés, un peu plus tôt dans la matinée, sont accrochés aux rétroviseurs. Elle ne conduit pas beaucoup, préfère emprunter les transports en commun ou marcher la plupart du temps. Vivant non loin du centre-ville, ce n'est pas gênant au quotidien. Seulement, pour ce genre d'occasion en or, elle est bien heureuse d'avoir un permis quelque peu poussiéreux. Khadijah mérite le meilleur, surtout pour sa sortie de prison. Aidée d'un bon chèque et de son petit minois, Bisi a donc réussi à ce que le propriétaire lui loue la bagnole pour la journée, histoire d'avoir une voiture à la hauteur de sa sœur.
Bisi y croit dur comme fer : chaque nouvelle sortie de prison l'éloigne un peu plus de la récidive. Un travail de longue haleine, éreintant mais absolument pas contraignant : elle y passerait le reste de sa vie à aider Khadijah s'il le fallait. À l'approche du centre pénitencier, elle se met à klaxonner frénétiquement. Quand la silhouette de son amie se dessine au loin, elle tambourine contre le volant, tente de se lever de son siège et fait vaciller la voiture sur le gravier. Elle répond avec enthousiasme aux gestes de sa copine, n'est en rien désarmée par les regards que les rares passants peuvent leur lancer. C'est d'une simplicité folle d'ignorer le jugement des autres pour se concentrer sur la flamboyance de Brown, réussit avec brio à détourner Bisi de ses propres insécurités.
Bisi se gare hasardeusement, ouvre élégamment sa portière et fond sur la jeune femme. «
So happy to see you, love! » L'enlace avec bonheur, lui adresse un sourire solaire. Flanquée de deux frères, Khadijah est la sœur d'une autre mère, celle dont elle a toujours rêvé. Sur les bancs de la fac, impossible de ne pas trouver l'une perpétuellement à proximité de l'autre. Elle finit par se détacher, recule tout en retirant ses lunettes de soleil qu'elle pose sur son front. Se tournant légèrement vers la voiture, elle passe une main sur la carrosserie. «
Look at this. Not gonna lie but I'm pretty proud of myself. Do you recognize it? » Fine connaisseuse de voitures n'est pas un rôle qui lui sied à ravir alors elle se sent un peu maladroite dans ses gestes. «
One of the most iconic cars in the history of rom-com. », Bisi s'exclame, ne cache pas sa volonté de jouer les Hepburn et Bogart pour apaiser leur cœurs déglingués et âmes peinées.
- Traductions:
1. « Salut ma belle, est-ce que je t'ai manqué ? »
2. « Bien sûr que tu m'as manqué. »
3. « Trop contente de te voir, ma chérie ! »
4. « Regarde ça. J'vais pas te mentir mais j'suis plutôt fière de moi. Est-ce que tu la reconnais ? »
5. « L'une des voitures les plus iconiques dans l'histoire des rom-com. »