portrait de famille
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Family reunions: where toxicity dresses up as concern and love
Le manoir n'était pas souvent aussi bruyant, sauf peut-être lors de l'occasionelle visite de touristes américains. L'occasion était exceptionnelle, et cela expliquait les chambres remplies, les cris d'enfants, le son des pas sur le parquet à travers toute la demeure, le staff employé pour l'occasion, et les aboiements d'un chiot surexcité. Cela ne faisait même pas vingt-quatre heures que tout le monde était arrivé, et Reginald priait déjà pour un prompt départ. Lui-même se serait éclipsé à l'anglaise depuis bien longtemps si ce n'était pas sa demeure où la réunion de famille se déroulait, et son anniversaire qui était célébré. Il se consolait avec le fait qu'Archibald, la jambe en plâtre, incapable de se transporter sans béquilles, était lui aussi coincé là. Au moins il savait qu’il n’était pas le seul à souffrir.
Reggie, le pas preste, traverse la demeure, souriant poliment aux cousins qu’il n’avait pas vu depuis une éternité, esquivant leurs enfants dont il ne connaissait que le nombre car c’était lui qui devait aligner la douloureuse facture de leur présence, flattant la tête du chiot qu’on lui avait offert, dont le nom était encore en débat (seule petite lumière dans ces trois longs, très longs, jours) et arrivé à sa destination, posa une main sur l’épaule de sa mère, qu’on avait roulée dans un coin du salon, près de la cheminée. Autour d’elle désormais, ses deux fils, ses deux petits-enfants, sa bru et l’intégralité de ses arrières-petits-enfants. Presque un portrait de famille heureux. Sauf que nous parlons des Wright (... et Darling), ce qui tue dans l’oeuf le portrait, qui ne serait que faux. Ils faisaient de leur mieux, parfois, mais ces vieilles familles anglaises avaient laissé le bonheur se flétrir avec l’âge de leur aristocratie.
“Mère, Penelope, les enfants, je vous emprunte fils, époux, père et mère, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.” Politesse passée, il se tourne vers les concernés, Charles, August et Archibald. “Dans mon bureau, nous devons discuter de quelques affaires.” En vérité, la liste est longue, et il ne leur laisse pas réellement le choix. Il y a beaucoup à dire et à faire avec le coeur de la famille. Il aurait pu inclure sa mère, mais elle est trop âgée et fatiguée pour ces affaires. Il aurait pu y inclure la femme de Charles, mais il n’a confiance en personne d’autre qu’elle pour empêcher les cousins de détruire le manoir pendant qu’il est occupé. Il aurait pu inclure les enfants, les aînés au moins, mais pas encore. Que le poids des affaires de la famille ne tombe pas déjà sur leurs épaules. Ils ont le temps.
Son bureau est un étage plus haut. Il aurait pu choisir un endroit plus pratique étant donné l’état de son frère, mais que cela lui serve de punition. Archie connaissait ses torts, combien même refusait-il de les admettre, et Reginald avait toujours été très doué pour lui rappeler la conséquence de certains actes de manière presque vicieuse, mais toujours aisée à nier.
Une fois toute la présente compagnie installée dans son office, il prend le soin de fermer la porte, à clef, pour éviter toute intrusion (ou sortie sur le coup des nerfs) tant que les sujets à aborder ne l’auront pas été, clairement et dans leur entièreté. Il prend place derrière son bureau, restant debout, en position presque de chef de famille, là où son père se tenait quelques décennies plus tôt. L’idée de ressembler à Walter Wright le ferait presque frissonner, il en était pourtant le portrait craché, mais au moins leur père savait maintenir ses affaires en ordre, contrairement à Archibald, alors le copier sur ce point était la chose à faire. “Nous avons beaucoup à échanger, alors essayons de garder nos émois attachés.” Averti-t-il en préambule, le regard sur son frère. Cela n’allait pas être une partie de plaisir.